La réforme A1 et A2 2020

Depuis le 1 mars 2020, l’examen moto a évolué.

Il est désormais composé de l’ETM (code de la route moto, passé comme en voiture, à la poste ou SGS, par exemple), contenant 40 questions, avec validation si vous faites 5 fautes maximum.

D’une partie hors circulation (aussi nommée Plateau) sur notre piste privée, que vous trouverez en détails ici.

Une partie sans moteur

Une partie lente,

Une boucle avec départ pour le freinage d’urgence à 50km/h minimum au radar (sans marge)

Une boucle avec passager (sans passager pendant les actions barrières du covid19)

Un slalom à 40km/h minimum au radar (sans marge),

Un évitement à 50km/h minimum au radar (-5km/h applicable, soit 45km/h toléré)

Une tolérance est admise pour les A1.

D’une partie circulation, contenant :

Des vérifications avant départ

  • je suis équipé de bottes, gants, blouson et casque de moto homologués et à ma taille
  • Les rétros sont bien réglés
  • après démarrage, le témoin d’alerte est éteint
  • le feu de croisement fonctionne

Un parcours ville / campagne, avec un arrêt de précision d’une durée de 40 minutes.

L’accent sera mis sur la gestion des trajectoires de sécurité

L’objectif principal de la conduite de sécurité est de pouvoir anticiper au maximum les dangers visibles et potentiels.

Le principe intangible et permanent reste que le conducteur doit demeurer en permanence capable d’adapter sa vitesse et sa trajectoire.

Il repose en toute logique sur la nécessité de se ménager la meilleure visibilité possible, afin de réagir aux dangers visibles et d’analyser l’environnement pour identifier les dangers potentiels.

Pour cela, en approche d’un virage, on doit se placer le plus à l’extérieur possible et y rester jusqu’à voir la sortie, afin ensuite de se placer le plus tôt possible sur l’extérieur du virage suivant.

Le tout en respectant en permanence un « coussin de sécurité », c’est-à-dire un espace latéral d’au moins 20 à 50 cm à partir du point latéral le plus saillant de la moto (rétroviseur, valise, embout de guidon), qui nous sépare d’un éventuel obstacle situé en extérieur de notre trajectoire ; et un autre espace latéral d’au moins un mètre avec un éventuel obstacle en intérieur de la trajectoire.

En effet, il faut toujours envisager la possibilité d’un obstacle qui viendrait à empiéter sur notre voie, que ce soit le coin d’un bus ou d’un camion, l’angle du pare-choc d’une voiture, un poteau ou un panneau implanté très près de la route, une branche qui dépasse, un rocher saillant…

Même sur une route que l’on connaît bien, il existe toujours le risque d’un obstacle imprévu fixe (travaux qui n’étaient pas là la veille, chute de pierres, branche tombée au sol) ou mobile (cyclistes arrêtés ou mal placés, enfant qui traverse sans prévenir, animal errant sur la route, gibier, véhicule en panne sur la chaussée).

La règle essentielle de cette trajectoire est de nous donner la marge de manoeuvre nécessaire pour nous adapter – en permanence, rapidement et correctement – à l’environnement routier en constante et rapide évolution.

Mieux comprendre la trajectoire de sécurité

Décriée, mal expliquée, décrite trop succinctement… la trajectoire de sécurité en virages à moto se trouve souvent caricaturée et mal comprise. Voyons comment vraiment bien comprendre cette technique de conduite.

Cet article est un complément à l’article principal Prendre un virage : la trajectoire.

Première publication : octobre 2019
Mis à jour en janvier 2020.

Sommaire de l’article

Introduction

Depuis qu’il a été annoncé fin 2019 que la trajectoire de sécurité en virages serait enseignée lors de la formation initiale au permis moto A2 et évaluée lors de l’examen pratique en circulation à partir de 2020, cette technique de conduite fait l’objet de nombreuses interrogations.

Avant que cette expression ne soit médiatisée par la Délégation de la Sécurité Routière (DSR) à travers deux vidéos succinctes (dont celle ci-dessus) et une action de communication fin septembre 2019 auprès des journalistes de la presse spécialisée et grand public, très peu de personnes connaissaient réellement la « trajectoire de sécurité ».

A part les motocyclistes d’administration (gendarmes, policiers et douaniers), ainsi que les quelques milliers de motards civils qui ont participé au moins une fois à une des journées de sécurité moto proposées dans différents départements, sans oublier les quelques centaines de stagiaires des associations de perfectionnement moto comme la CASIM ou l’AFDM… peu parmi le million et demi de motards français connaissent non seulement les termes, mais plus encore les principes exacts de cette manière d’aborder un virage sur route ouverte.

D’autant plus que les différents intervenants ne sont pas toujours d’accord entre eux sur sa dénomination, ni sur son contenu.

Les gendarmes préfèrent parler entre eux de « trajectoire EDSR », les formateurs AFDM l’appellent la « trajectoire AFDM » et certains autres formateurs utilisent l’expression « trajectoire de confort ».

Quant aux actions exactes regroupées sous ce vocable général, il existe des nuances entre les différentes écoles : les cadres du CNFM-PN (Centre national de formation motocycliste de la police nationale, à Sens dans l’Yonne) ne sont pas exactement d’accord avec les instructeurs du CNFSR (Centre national de formation à la sécurité routière de la gendarmerie nationale, à Fontainebleau en Seine-et-Marne).

La sous-direction de l’éducation routière et du permis de conduire de la DSR s’est donc contentée dans sa communication de grands principes généraux, sans entrer dans les détails.

Difficile d’expliquer en moins d’une minute tous les tenants et aboutissants de la trajectoire de sécurité…

Une infographie est censée répondre aux interrogations.

Cependant, ce document reste loin de répondre aux doutes de beaucoup d’enseignants de conduite moto et d’inspecteurs du permis de conduire, qui sont nombreux à ne pas bien connaître cette technique de conduite, voire à douter de son bien-fondé.

Pour ne pas parler de la majorité des motards qui n’ont jamais entendu parler que du fameux « point de corde » et copient (plus ou moins consciemment) le triptyque « extérieur – intérieur – extérieur » cher aux pilotes de vitesse, et ce même s’ils disent ouvertement ne pas prendre la route pour un circuit.

Il faudra sans doute des années pour que la trajectoire de sécurité à moto soit correctement enseignée (en école de conduite moto) et évaluée (à l’examen pratique du permis moto), plus longtemps encore pour qu’elle soit adoptée par la majorité des motards circulant sur route.

Mais l’initiative de la DSR, sur les conseils des professionnels de l’enseignement de la conduite moto (notamment des représentants de l’AFDM et de votre serviteur) et avec la validation des gendarmes et policiers moto, constitue un premier pas.
C’est un bon début… qui reste à confirmer.
Une noble intention qui doit encore être appliquée correctement pour obtenir des résultats concrets.

Cet article prétend y participer.

Grands principes

Il s’agit du meilleur positionnement sur la chaussée qui permet de voir le plus loin possible et d’anticiper un événement. La trajectoire de sécurité a, entre autres, pour objectif d’éviter un choc latéral ou frontal avec un véhicule qui arrive dans le sens opposé de circulation.

Communiqué de presse de la DSR du 19 septembre 2019

L’objectif principal de la conduite de sécurité est de pouvoir anticiper au maximum les dangers visibles et potentiels.

Le principe intangible et permanent reste que le conducteur doit demeurer en permanence capable d’adapter sa vitesse et sa trajectoire.

Il repose en toute logique sur la nécessité de se ménager la meilleure visibilité possible, afin de réagir aux dangers visibles et d’analyser l’environnement pour identifier les dangers potentiels.

Pour cela, en approche d’un virage, on doit se placer le plus à l’extérieur possible et y rester jusqu’à voir la sortie, afin ensuite de se placer le plus tôt possible sur l’extérieur du virage suivant.

Le tout en respectant en permanence un « coussin de sécurité », c’est-à-dire un espace latéral d’au moins 20 à 50 cm à partir du point latéral le plus saillant de la moto (rétroviseur, valise, embout de guidon), qui nous sépare d’un éventuel obstacle situé en extérieur de notre trajectoire ; et un autre espace latéral d’au moins un mètre avec un éventuel obstacle en intérieur de la trajectoire.

En effet, il faut toujours envisager la possibilité d’un obstacle qui viendrait à empiéter sur notre voie, que ce soit le coin d’un bus ou d’un camion, l’angle du pare-choc d’une voiture, un poteau ou un panneau implanté très près de la route, une branche qui dépasse, un rocher saillant…

Même sur une route que l’on connaît bien, il existe toujours le risque d’un obstacle imprévu fixe (travaux qui n’étaient pas là la veille, chute de pierres, branche tombée au sol) ou mobile (cyclistes arrêtés ou mal placés, enfant qui traverse sans prévenir, animal errant sur la route, gibier, véhicule en panne sur la chaussée).

La règle essentielle de cette trajectoire est de nous donner la marge de manœuvre nécessaire pour nous adapter – en permanence, rapidement et correctement – à l’environnement routier en constante et rapide évolution.

Réalités matérielles

La trajectoire de sécurité offre ses plus grands bénéfices sur route ouverte, avec une chaussée à double sens de circulation.
Sur une route à sens unique et/ou avec plusieurs voies dans le même sens, c’est moins pertinent, même si toujours utile.

La règle de base de cette trajectoire est de se placer le plus en extérieur POSSIBLE.
Tout est dans le « possible »…
Car l’autre règle reste évidemment de rester lucide et de s’adapter au terrain, au champ visuel, au revêtement, au trafic… bref, à la réalité !

Avec quelques fondamentaux :

  • aucun élément de la moto ou de notre corps ne doit dépasser des limites verticales de notre voie de circulation (sauf dans le cas particulier d’un virage en épingle à droite avec visibilité) ;
  • toujours placer les roues là où l’enrobé est le plus propre ;
  • privilégier la visibilité à la vitesse de passage en courbe ;
  • adapter notre vitesse aux conditions d’adhérence et à la visibilité ;
  • demeurer vigilant, en capacité de réagir à l’imprévu.

Le souci est que pour adapter rapidement et correctement sa trajectoire et sa vitesse, il faut non seulement une bonne maîtrise de sa machine, mais aussi de l’expérience, une certaine connaissance des situations de conduite.

Tirer pleinement profit de la trajectoire de sécurité suppose de la pratique, des dizaines de milliers de kilomètres d’expérience, de rouler fréquemment dans des virages, de préférence variés.

Résistances culturelles

La trajectoire de sécurité rencontre de nombreuses résistances parmi la communauté motarde, tout particulièrement dans le monde de l’enseignement de la conduite.

Les formateurs de conduite moto (communément appelés « moniteurs ») et les inspecteurs du permis de conduire (désignés par le sigle IPCSR ou par le terme « experts ») sont habitués à se trouver en position de « sachants ».
Beaucoup éprouvent de grandes difficultés (c’est un euphémisme) à se remettre en question et à accepter un apport extérieur à leur univers professionnel.

Une grande majorité de ces acteurs se contentent de reproduire ce qu’ils ont appris en leur temps, parfois plusieurs décennies en arrière.
Ils se reposent (souvent inconsciemment) sur des certitudes héritées et des atavismes, renforcés par un complexe de supériorité par rapport au « vulgum pecus », au motard « de base » qui en sait encore moins qu’eux.

Cet état de fait ne se rencontre pas que dans le monde moto, évidemment… Et au sein du monde moto, nombreuses sont les « chapelles » au sein desquelles on retrouve le même phénomène de certitudes établies et de sentiment de supériorité par rapport aux « autres ».
C’est humain.

Le souci dans le cas présent est que les formateurs moto et les inspecteurs sont en charge de la formation et de l’évaluation des futurs motards, donc au premier rang pour l’amélioration de la sécurité routière de cette population particulièrement exposée.

Cet enjeu devrait dépasser les querelles d’ego, inciter à prendre du recul sur nos pratiques.
La nature humaine fait hélas que c’est difficile pour un certain nombre de personnes, plus ou moins de mauvaise foi pour ne surtout rien changer à leurs habitudes et/ou à leur position d’autorité (réelle ou supposée).

Arguments et doutes

Les résistances que rencontre la technique de la trajectoire de sécurité se décompose globalement en deux grandes tendances : les détracteurs et les sceptiques.

Chacun présente ses arguments, qui sont d’ordre différents.
Je vais essayer de convaincre les sceptiques avec des arguments rationnels, mais il sera compliqué de faire changer d’avis les détracteurs, qui font souvent preuve de mauvaise foi.

Rejet corporatiste

Dans cette logique, le premier argument des détracteurs de la trajectoire de sécurité est que cette technique ne vient pas d’eux-mêmes, pas de leur « monde ».

Il s’agirait d’une invention de technocrates parisiens, non motards, déconnectés de la réalité du terrain, qui ne savent pas ce qu’est la vraie vie…
Refrain poujadiste dans l’air du temps.

C’est oublier d’abord que la trajectoire de sécurité est issue avant tout de l’expérience sur route des motocyclistes professionnels de l’administration.
Les responsables de la DSR ne font que reprendre le fruit de cette expérience accumulée depuis des décennies.
Il ne s’agit pas d’une lubie ou d’une élucubration de « ronds de cuir ».

Auparavant, elle était présentée ainsi :

Plaquette journée de sécurité moto Préfecture du Haut-Rhin

C’est oublier aussi que cette trajectoire est enseignée depuis plus de 60 ans dans les écoles motocyclistes et depuis des décennies au cours des journées de sécurité moto auprès des motards civils.
Parmi ces derniers, des milliers l’utilisent avec bonheur (dont de nombreux lecteurs et abonnés de ce site).
Sans compter les encadrants et stagiaires de l’AFDM et de la CASIM qui roulent ainsi depuis les années 1980.
Il ne s’agit pas d’une nouveauté, ni d’une théorie non vérifiée.

C’est oublier enfin que les conceptions de ces détracteurs viennent elles-mêmes d’un monde déconnecté des réalités de la route : celui de la vitesse sur circuit, qui n’a rien à voir avec notre quotidien de motards de route.

Pourquoi les pilotes peuvent-ils se permettre d’employer cette technique ?

Parce qu’ils tournent sur un circuit fermé, où il n’y a que des motos, qui vont toutes dans le même sens, où ils peuvent employer toute la largeur de piste (qui fait de 8 à 12 mètres de large), avec un revêtement à l’adhérence optimale, où ils connaissent le parcours par coeur et savent à l’avance quelle trajectoire adopter sur chaque virage, avec une visibilité parfaite, avec en cas de pépin des dégagements vastes et dégagés, sans obstacle ni sur la piste ni à ses abords…
Bref, un environnement sécurisé à 100%.

Avez-vous l’impression qu’il en est de même pour nous sur la route ?
Je pense que non.

Nous, nous devons composer avec tout l’opposé :
– une voie de circulation large de 3 à 4 mètres ;
– un revêtement aléatoire, imprévisible et pas toujours au top de l’adhérence ;
– un parcours parfois inconnu et toujours imprévisible, qui peut changer chaque jour ;
– des risques imprévisibles (piétons, véhicules, animaux, obstacles, intempéries) ;
– des intersections, passages piétons, carrefours, sorties de garages, de parkings, passages à niveau, etc. ;
– des véhicules qui arrivent en sens inverse, voire qui empiètent sur notre voie ;
– des comportements imprévisibles des autres usagers dans des véhicules d’autres catégories (voitures, camions, scooters, cyclos, vélos, bus, semi-remorques…)
– des abords de chaussées non sécurisés, avec des obstacles, des rambardes, des poteaux, des fossés, des murs, des arbres…
– et surtout, une visibilité qui est rarement totale et parfaite à cause de tout ce qui précède.

Partant de là, à votre avis, est-ce que nous, motards de route, pouvons employer les mêmes techniques que les pilotes de circuit ?
Je pense que la réponse s’impose d’elle-même.

Dire que « les techniques des pilotes de circuit sont les plus efficaces et donc les plus sécuritaires » est une ineptie.
Elles sont efficaces dans un certain contexte, en fonction de certains impératifs, précisés ci-dessus.

Lire Réflexion sur les fausses certitudes motardes.

Incohérences de perception

Placement en entrée de virage

Les détracteurs comme les sceptiques affirment qu’il est dangereux ou délicat pour les motards de se placer en trajectoire extérieure en entrée de virage, dans la phase dite d’entrée, ce qui correspond à la zone B sur l’infographie de la DSR présentée en début d’article.

Curieusement, peu de motards rechignent à se placer le long de la ligne médiane en approche d’un virage à droite.
Placés au milieu de la route, ils se sentent en sécurité, avec de l’espace à gauche comme à droite.

Sécurité illusoire tant cette marge de manoeuvre supposée va se réduire très vite si un véhicule (surtout large) arrive en face, voire « mord » sur notre voie de circulation, ou si la vitesse d’approche se révèle inadaptée, entraînant un excès de force centrifuge qui va entraîner la moto sur la voie en sens opposé en sortie de virage, au pire moment…

A l’inverse, alors que le bénéfice d’une trajectoire extérieure semble évident en approche d’un virage à gauche (voir plus bas), beaucoup de motards ont du mal à aller se placer le long du bas-côté.
Cela peut être par manque de confiance dans leur maîtrise de la machine, avec la crainte de ne pas savoir rattraper un élargissement de la trajectoire qui mettrait immédiatement les roues dans l’herbe.
Cela peut être par crainte du manque d’adhérence provoqué par les impuretés souvent présentes sur le bord droit de la chaussée : graviers, débris, bouts de gomme de pneus, terre, boue, etc.

Dans tous les cas, ces craintes et illusions proviennent d’une mauvaise compréhension des principes de la trajectoire de sécurité, d’un « jusqu’au boutisme » fondé soit sur l’ignorance, soit sur la mauvaise foi.

Le principe de la trajectoire de sécurité en virages à moto est d’aller se placer le plus à l’extérieur possible jusqu’au point haut.
Mais l’idée n’est pas de se placer impérativement à l’extrême bord extérieur de la voie de circulation !

Encore une fois, tout est dans le « possible » : il s’agit de faire passer les roues là où le revêtement est propre, c’est-à-dire en général dans la trace des pneus extérieurs des voitures.

Cela permet de respecter le « coussin de sécurité », autant avec la voie en sens opposé pour un virage à droite qu’avec le bas-côté pour un virage à gauche.

Là encore, il faut faire preuve de pragmatisme, savoir lire la route et s’y adapter, sans vouloir respecter à tout prix des préceptes théoriques que l’on voudrait croire (ou faire passer pour) intangibles.

Placement en sortie de virage

Il en va de même pour le placement de la moto en sortie de virage, dans la phase dite de « reprise de stabilité » ou de « replacement », marquée « D » dans l’infographie de la DSR.

Les documents de la DSR parlent de se rabattre progressivement, ce qui suppose de revenir vers l’intérieur de sa voie de circulation.
En réalité, ce n’est pas toujours le cas !

Le principe tel que je l’ai expliqué en début d’article est de se placer le plus tôt possible à l’extérieur du virage suivant, la phase de placement (marquée C) du virage 1 devenant la phase d’entrée (zone A) du virage 2.

Ainsi, dans le cas d’un « pif paf », d’un enchaînement de virages gauche-droite ou droite-gauche, le motard devra resserrer sa trajectoire afin de traverser sa voie de circulation.

C’est là que la trajectoire de sécurité prend tout son sens car elle permet de bien se placer très tôt, sans se faire surprendre, sans se laisser « embarquer » par la vitesse et la force centrifuge qui vont faire élargir la sortie du premier virage, ce qui amène le motard à aborder le second virage sur l’intérieur, ce qui va encore augmenter la force centrifuge et souvent provoquer une sortie de route sur ce second virage.

Mais pas dans le cas d’un double virage à droite ou à gauche !

Si le virage suivant tourne dans le même sens que celui qu’on vient de passer, il n’est pas nécessaire de resserrer la trajectoire, il suffit de rester en extérieur, dans la continuité de notre trajectoire précédente – sauf si un obstacle amène à modifier cette trajectoire.

Encore une fois, pragmatisme, adaptation et bon sens doivent prévaloir sur les grands principes que l’on simplifie à outrance !

Scepticisme sécuritaire

Comme son nom l’indique, la trajectoire de sécurité vise avant tout à préserver le motard d’une collision avec un obstacle (fixe ou mobile), et tout spécialement d’un conflit avec un véhicule arrivant en face.

Dans le cas d’un virage à gauche, surtout en aveugle, la très grande majorité des intervenants s’accorde à reconnaître le bénéfice de la trajectoire de sécurité et l’intérêt de rester sur l’extérieur, donc à droite dans notre voie de circulation.

Cela permet d’éviter ce type de situation.

Le cas du virage à droite est différent.

Le fait d’aller placer la moto sur l’extérieur de notre voie de circulation, donc à gauche, le long de la ligne médiane, crée des interrogations, voire des inquiétudes, jusqu’à dénoncer le caractère supposément dangereux de cette trajectoire, qui deviendrait contre-productive.

Beaucoup de moniteurs (et de motards en général) s’inquiètent du risque de collision avec un véhicule arrivant en face et qui empiéterait sur la ligne médiane, voire sur la voie de circulation du motard, comme cela se produit souvent.

Comme dans cet exemple.

Dans le cas d’un virage à droite, certains estiment donc qu’il serait plus sûr de se placer à l’intérieur, à droite, afin de s’éloigner du danger potentiel.
Et de prime abord, cela peut paraître logique et sensé.
Sauf que non.

Se placer en intérieur sur un virage à droite permet effectivement de s’éloigner du danger potentiel que représente un véhicule arrivant en face… dans la première partie du virage (dans notre sens).
Mais pas en seconde partie de virage, celle que l’on ne voit pas, celle qui est la plus dangereuse.

En effet, pour une même moto (donc même masse) et à vitesse égale, le fait d’aborder le virage en extérieur, puis de resserrer la trajectoire afin de venir en intérieur, va forcément augmenter la force centrifuge et provoquer un élargissement de la trajectoire en sortie de virage.

Le motard se trouvera en trajectoire subie, verrouillée, à laquelle il ne peut rien changer, car la force centrifuge entraîne alors irrésistiblement la moto vers l’extérieur du virage.

Pour pouvoir modifier cette trajectoire, il faudrait :

  • soit diminuer la vitesse, donc freiner, ce qui va redresser la moto et l’amener en trajectoire rectiligne, donc l’emmener sur la voie en sens opposé ;
  • soit compenser le surcroît de force centrifuge par une inclinaison plus prononcée.

Cela suppose de pouvoir pencher plus loin, donc de :

  • savoir comment faire (accentuation des appuis, notamment sur les pieds et genoux, que beaucoup de motards n’utilisent pas) ;
  • ne pas être déjà en inclinaison maximale (limite de garde au sol de la moto) ;
  • ne pas dépasser la limite d’adhérence des pneus au sol.

Autant d’éléments difficiles à combiner quand on roule vite, surtout pour un débutant.

Le problème ici n’est pas la trajectoire utilisée, mais l’inadaptation de la vitesse.

En effet, le grand argument des sceptiques quant à l’utilisation de la trajectoire de sécurité en virage à droite est qu’en roulant vite, le motard n’aurait pas le temps d’éviter le véhicule en sens inverse.

Mais si le motard roule à cette même vitesse et resserre sa trajectoire au point de corde, il va élargir en sortie, obligatoirement.
Donc se mettre en danger, et là sans échappatoire.

Alors qu’avec la trajectoire de sécurité, même en roulant vite, on garde la possibilité d’éviter le danger, puisqu’on a la place à notre droite (du côté où la moto est déjà inclinée) de resserrer la trajectoire, au moins brièvement, quitte à se laisser élargir de nouveau ensuite.

Encore mieux : on pourra anticiper le danger !
Dans l’exemple de la vidéo ci-dessus, si le motard s’était placé en extérieur, il aurait vu la voiture plus tôt et aurait réagi plus tôt.
Sans compter que l’automobiliste l’aurait lui aussi perçu plus tôt, si tant est qu’il regardait la route et qu’il ait eu la volonté et les moyens de revenir sur sa voie.

Le virage à droite en aveugle sur route large est justement la situation où la trajectoire de sécurité est la plus utile… car elle donne le temps et la place de réagir.

Mais la trajectoire de sécurité ne fait pas de miracle !
Si vous abordez à fond un virage en aveugle, vous augmentez fortement les risques que cela se passe mal, quelle que soit votre trajectoire.

Limites de la trajectoire de sécurité

Le fondement de la conduite de sécurité reste avant tout d’anticiper… et de savoir réagir, de s’adapter.
Et la meilleure façon de se ménager une capacité d’adaptation en virages reste la trajectoire de sécurité.
Justement parce qu’elle est la trajectoire qui offre la meilleure visibilité, donc la plus grande anticipation.

Mais la trajectoire ne fait pas tout, c’est certain.
Quelle qu’elle soit !

Un élément parmi d’autres

Un virage bien pris en sécurité, ce n’est jamais seulement une question de trajectoire, mais une combinaison des quatre composantes de conduite que sont la position du motard sur sa moto (afin de la sentir et d’influer sur elle), la gestion de son allure (afin de stabiliser la machine), le placement de son regard qui va dicter la trajectoire de la moto.

La trajectoire ne garantit pas à elle seule la sécurité de conduite.

Si le motard ne confère pas de stabilité à sa machine, il n’osera pas l’incliner, que ce soit pour aller au point de corde ou après le point haut.

Si le motard ne ressent pas la stabilité de sa machine (parce qu’il est mal positionné dessus), il n’osera pas l’incliner.

Si le motard ne sait pas comment incliner sa machine par la gestion de ses appuis sur les mains, les genoux et les pieds, il ne saura ni incliner loin, ni corriger son inclinaison en cas de souci.

Si le motard ne place pas correctement son regard, la machine aura tendance à aller là où il regarde, même si la trajectoire souhaitée est différente.

Si le motard ne sait pas adapter sa vitesse aux circonstances, s’il ne tient pas compte de l’environnement routier, s’il ne sait pas lire la route… il se mettra en danger de toute façon.

Pour en savoir plus sur tout ça, lire les quatre articles sur Prendre un virage à moto.

Il serait stupide d’affirmer que la trajectoire de sécurité assure à elle seule la sécurité routière du motard.
Tout aussi stupide que de dire qu’elle met à elle seule le motard en danger.

Le fondement de la conduite de sécurité est de pouvoir anticiper les dangers visibles et invisibles, réels et potentiels.
Cela suppose toujours, quelle que soit la situation, de pouvoir :

  • observer, détecter, rester vigilant et concentré, libérer le regard de la moto, ne pas regarder ses mains, ni juste devant la roue… donc garder un regard mobile et évolutif ;
  • réfléchir, être en capacité mentale d’analyser l’environnement, conserver en permanence une capacité de réflexion rapide… donc ne pas être fatigué, ni alcoolisé, ni sous l’empire de produits psychotropes ;
  • décider très rapidement et réagir correctement à la situation analysée… donc pouvoir effectuer n’importe quelle manoeuvre de façon rapide sans avoir à réfléchir aux actions nécessaires.

Tout cela suppose une adéquation entre l’aisance technique et la vitesse de déplacement (conditionnée par le temps de réaction).
Un débutant pas à l’aise et qui roule « au dessus de ses pompes » sera de toute manière en danger, quoi qu’il fasse.

Une règle… et une exception !

Et s’il n’y a pas de visibilité ?
Alors on se méfie et on ralentit !

La trajectoire de sécurité n’est pas un dogme, ce n’est pas une vérité divine gravée dans le marbre.
C’est une simple règle de conduite et comme toute règle, elle a ses exceptions.

La principale exception à la trajectoire de sécurité (qui n’est hélas pas présentée dans la campagne de la DSR) est justement celle qui inquiète les sceptiques :

  1. une route étroite, sans ligne médiane ou avec deux voies de moins de trois mètres de large ;
  2. un virage serré à droite ;
  3. sans visibilité, en aveugle total.

Effectivement, dans ces circonstances précises, il serait dangereux d’aller se placer en extérieur, au milieu de la route. Le motard n’aurait pas le temps de percevoir un véhicule qui arriverait vite en sens opposé, ou tout au moins pas le temps de réagir pour éviter le danger.

Dans ces circonstances, la prudence commande avant tout de ralentir, puis de rester en intérieur, le long du bord droit de la route.

Par contre, c’est uniquement dans ces circonstances !

Si la route est large avec un virage à droite en aveugle, rien n’empêche de se placer en extérieur, le long de la ligne médiane (en gardant toujours un coussin de sécurité).

Si le virage est en aveugle sur route étroite, mais à gauche, la logique reste la même, on se place de toute façon en extérieur, sur la droite.

Si la route est étroite, avec un virage à droite, mais avec visibilité, le problème ne se pose pas, on pourra voir si un véhicule arrive en face ou non.

Il faut rassembler les trois circonstances pour déroger à la règle de la trajectoire de sécurité, mais cette exception existe et doit être enseignée, au risque de mettre les motards débutants en danger.

Une règle, pas un absolu

Hormis cette exception en bonne et due forme, il existe un autre ensemble de circonstances où le motard va respecter l’esprit de la trajectoire de sécurité, mais pas forcément la lettre de la réglementation.

Je sais que je vais sans doute choquer certains intégristes du Code de la Route, mais je prône depuis des années le pragmatisme en matière de conduite.
Le Code a été conçu pour aider à la coexistence en sécurité des différentes catégories de véhicules sur la voie publique, il ne tient pas compte des spécificités de chaque catégorie et surtout pas de celles des motos.

Il existe un cas précis où le motard va pouvoir « exagérer » la trajectoire de sécurité.
Trois circonstances doivent là aussi se trouver réunies :

  1. virage en épingle à cheveux (à 180 degrés), en montée ou en descente,
  2. à droite,
  3. avec visibilité.

Dans cette configuration, comme nous avons la visibilité sur la sortie du virage, il est facile de vérifier si aucun véhicule n’arrive en sens inverse.

S’il n’y a personne dans l’épingle ni en approche rapide, il est alors possible d’élargir au maximum l’entrée du virage en plaçant la moto tout à gauche, dans la voie en sens opposé.
Dès le début de l’épingle, on va pouvoir commencer à resserrer la trajectoire vers l’intérieur.

Dès que la roue avant se trouve dans l’axe de la ligne droite de sortie, on resserre encore pour sortir le plus à l’intérieur possible et se prémunir d’un éventuel véhicule qui couperait son entrée de virage en sens opposé.

Les virages en épingle ne comportent jamais de ligne continue.
Dans les épingles serrées, il n’y a pas de ligne médiane marquée au sol. Dans les épingles larges, elle est toujours discontinue, afin de permettre aux véhicules à grand gabarit de la chevaucher.

Dans ces conditions, il est toléré pour les deux-roues de la franchir (si elle est matérialisée) pour rouler dans la voie en sens opposé.
Il est alors possible (mais pas impératif) de se déporter brièvement sur la voie de gauche, uniquement dans une épingle à droite avec visibilité et seulement si aucun véhicule n’arrive en face.

Certes, la loi punit « le fait, pour tout conducteur, de circuler, en marche normale, sur la partie gauche d’une chaussée à double sens de circulation » (article R.412-9 du code de la route).

Toutefois, il faut bien distinguer plusieurs situations réellement problématiques : rouler à contresens dans une voie à sens unique (sens interdit), faire demi-tour sur une voie à sens unique, prendre un rond-point en sens inverse, circuler à contresens sur autoroute ou voie rapide…
Là, c’est vraiment dangereux !

De plus, l’article du Code précise bien « en marche normale ».
Car il existe un certain nombre de circonstances où le fait de circuler à gauche (sur une route à double sens de circulation, sans ligne médiane continue) est autorisé. Notamment lors d’un dépassement, par exemple.

C’est toute la différence entre la lettre du code de la route et l’esprit de la conduite de sécurité…
Il va de soi que cette technique n’est pas à employer lors d’un examen pratique en circulation du permis de conduire, lors duquel l’inspecteur reste avant tout attentif au respect strict du Code de la route.

Pour mieux comprendre, lire Négocier un virage en épingle.

Une règle, pas un dogme

Là encore, je ne vais pas me faire que des amis, mais encore une fois, la conduite de sécurité demeure avant tout fondée sur l’adaptation à l’environnement routier, au contexte.

La trajectoire de sécurité en virages constitue un des fondements de ma conduite et m’a évité nombre de frayeurs, de presque accidents et de collisions en plusieurs centaines de milliers de kilomètres parcourus à moto depuis 2001.

Il n’empêche que parfois, quand tous les indicateurs sont au vert, je me permets d’aller au point de corde !

Quand il fait jour, par beau temps, chaussée propre et sèche, trafic faible ou nul, sur une chaussée à sens unique, avec une visibilité totale et dégagée sur plus de 100 mètres, et surtout si on connaît la route… je dis qu’on peut ponctuellement utiliser la trajectoire au point de corde sans se mettre en danger.
Mais il faut réunir l’ensemble de ces circonstances !

Des documents mal conçus

J’ai déjà souligné combien les deux vidéos publiées par la Sécurité Routière restaient trop succinctes, bien trop brèves pour prétendre expliquer correctement cette technique complexe.
Disons qu’elles relèvent surtout de la sensibilisation, plus que de l’information.

On aurait pu attendre mieux de l’infographie présentée, qui s’avère un tout petit plus informative, mais reste encore trop parcellaire et surtout comporte plusieurs erreurs.

A commencer par une énorme faute de frappe, avec l’emploi de l’expression « se potionner à l’extérieur de la courbe », au lieu de « se positionner »…

A suivre avec la recommandation de « se rabattre progressivement » (sous-entendu, tout le temps), alors qu’il n’est pas toujours nécessaire de se rabattre et que, dans le cas d’un enchaînement de virages rapprochés, il faut resserrer rapidement la sortie de virage, sous peine de se trouver mal positionné en entrée de virage suivant.

Sans oublier une zone C présentée comme « ajustement de la vitesse », alors que ce serait plutôt « ajustement du placement », et que la vitesse doit être adaptée dès la zone A.

Bref, il y a de quoi s’interroger…

Conclusion

Comme je l’ai écrit en introduction de ma série d’articles sur la conduite en virages :

Je ne dis pas que ce que j’explique ici est ce qu’il y a de mieux en toutes circonstances, et encore moins que ce soit la seule bonne façon.
Il n’existe pas une et une seule bonne méthode pour bien prendre un virage en toutes circonstances !
A moto, il faut savoir s’adapter, tout le temps. Il n’y a pas de recette-miracle.
Donc pas de place pour le sectarisme. Il faut tout connaître pour pouvoir s’adapter aux circonstances.

https://moto-securite.fr/comprendre-trajectoire/

Merci pour son travail